Exploration de Buzludzha

La route vers le mont Buzludzha

Retrouvez l’ensemble des photos de Buzludzha sur l’album dédié.

Buzludzha l'ovni communiste dans les nuages
Le contexte a été tout simplement hallucinant et restera comme une de mes meilleures explorations urbaines de par la beauté du site, le trajet et l’expérience humaine. Ce lieu je l’ai repéré, localisé et documenté depuis pratiquement le début de mes explorations en 2005, je n’aurais jamais pensé le faire un jour, il faisait partie pour moi de ces lieux aux quatre coins du globe que je référence et documente sans songer un moment avoir la possibilité d’y aller.

Tout commence depuis Sofia la capitale de la Bulgarie, je fais seul cette expédition ce qui est contraire aux règles de sécurité de base surtout après les quelques incidents que j’ai eus en exploration et qui m’ont confirmé qu’une exploration ne se fait jamais à moins de trois personnes. Je pars donc pour les 3h de voiture séparant le mont Buzludzha de la capitale. L’autoroute n’est pas de tout repos puisqu’il faut constamment zigzaguer entre les nids de poule tellement profond que même les camions délaissent la voix de droite pour rouler sur la bande d’arrêt d’urgence. Sorti de l’autoroute, je remonte vers le nord sur ce qui me semblait être le chemin le plus rapide mais cela me fait traverser un village où aucune route n’est goudronnée et où des trous d’eau ont envahi la chaussée, à tel point qu’il faut rouler sur ce qui reste des trottoirs pour le pas finir le moteur sous l’eau. Tout le trajet comme mon séjour en Bulgarie s’est fait sous la pluie battante, j’ose espérer que la proximité des montagnes m’apporte un peu plus de lumière. J’approche enfin des montagnes et au détour d’un virage je vois le monument de Buzludzha percer au travers des nuages, il surplombe les environs du haut de sa montagne, une éclaircie assez localisée est juste sure le site. La montée vers le mont et la petite station de ski se fait sans encombre même si je pense au fait que je devais venir initialement en février 2012 en Bulgarie et que la route aurait nécessité une autre voiture et des chaînes.

L’approche du monument Buzludzha

Portes soudées et grille cadenassée

Arrivé sur le site, je commence ma prise de vues par le monument soviétique / communiste qui se trouve en contrebas de la soucoupe volante représentant deux mains tenant des torches. Je profite de l’éclaircie pour prendre ensemble les deux monuments. Le temps de remonter en voiture vers le parking de Buzludzha, le temps se couvre très rapidement et j’entame l’approche à pied. Au loin deux éléments commencent à me déranger, premièrement un pickup est stationné devant le monument et les portes de ce dernier sont toutes blanches, fraîchement repeintes, cela augure des changements certains par rapport aux précédents explorateurs qui ont montré des photos de portes rouillées et non peintes dont une des portes était défoncée. En continuant mon approche, le pickup descend la route qui se trouve à l’opposé du chemin piéton et finit par venir me rencontrer en sortant de sa route. Là deux hommes ne parlant pas un mot d’anglais me parlent en bulgare, je n’ai décelé aucun mot reconnaissable dans leurs phrases et malgré le fait que je tente une approche par les gestes ces derniers continuent à parler avec les bras immobiles. A défaut de s’être compris, ils remontent dans leurs 4×4 et descendent du mont.

En arrivant au pied du monument, le temps s’est bien couvert et je tente quelques photos de l’ovni dans les nuages avant d’essuyer les premières trombes d’eau. La forme circulaire du monument confère un bon abri à la pluie devant l’entrée mais pas forcément au vent. Là je constate que les portes d’entrée ont été réparées, elles sont constituées d’une première rangée de grillage métallique fermée par cadenas / chaîne et d’une deuxième rangée qui sont des portes pleines en bois avec des fers à béton posé sur les ouvertures et soudées aux montants, les deux rangées n’étant séparées que de 20 cm au plus. Mes craintes étaient avérées le site semble refermé. J’entreprends de faire le tour du bâtiment sous la pluie pour trouver une autre entrée possible mais rien n’est possible, les quelques rares entrées techniques sont murées. Il existe bien quelques pistes pour entrer et je suis seul, n’est aucun moyen de m’assurer contre une chute et je constate que mon téléphone ne capte plus aucun réseau. Je suis donc seul y compris en cas de problème et ne pourrais compter sur aucun secours d’un éventuel touriste de passage vu la météo peu propice à ce genre de balade.

Rencontre du troisième type

Après plusieurs tentatives de différentes techniques d’infiltration en mode « ninja » comme on aime à le dire dans le milieu urbex, je pénètre à l’intérieur pendant qu’un orage assez violent a éclaté. A peine entré, c’est l’orage que je pense être responsable d’un terrible bruit assourdissant comme un objet tombé lourdement au sol. A ce moment-là j’imagine aisément que le site a été refermé parce que la structure du toit déjà bien instable est sur le point de s’effondrer. Je monte par un des deux escaliers menant à la salle de conférences d’où je perçois un bruit ressemblant à de l’eau tombant en trombe ou à un souffle assez puissant. Lorsque j’aperçois la coupole, un grand sourire de satisfaction apparaît sur mon visage, pourtant je ne regarde presque pas les fresques monumentales pour me concentrer sur le plafond de la coupole afin d’y déceler l’origine du bruit sourd de l’objet qui serait tombé au sol et le bruit de cette chute d’eau / souffle. Rien d’anormal en vue, je me dirige vers le bruit continu qui m’emmène dans un couloir circulaire entre l’auditorium et la rotonde panoramique. En progressant je me tombe sur deux personnes en train de découper du métal avec une lance thermique ce qui explique le bruit continu de souffle que je pensais être de l’eau en arrivant au niveau inférieur. Les deux personnes sont plutôt sur la défensive et franchement troublés par ma présence, pour une fois qu’un explorateur trouble ces messieurs et pas l’inverse, autant en profiter. Je vais donc d’un pas décidé les rejoindre avec une main tendue pour les saluer et me présenter en anglais.

Vue sur les balkans depuis le monument Buzludzha

Un des ferrailleurs me surveillant pendant ma visite et me pressant le pas pour partir

L’un des deux qui semble encadrer l’autre ne parle pas anglais et laisse son camarade me questionner, la première question « c’est comment êtes-vous entré? » J’indique mon subterfuge pour arriver à l’intérieur du monument, je vais même jusqu’à leur montrer l’endroit et ma technique, ils sont assez surpris puis deviennent inquiets. Directement on m’invite à sortir car le site est dangereux, tout tombe et leur patron ne va pas tarder à revenir. Je leur explique les motivations de ma présence en ces lieux, le trajet fait depuis la France pour le visiter et que je ne partirais pas sans avoir exploré le monument. Je tente de faire comprendre que je vois très bien qu’ils sont en train de ferrailler l’acier de la structure, mais qu’ils n’ont pas de crainte à avoir, je les laisserais travailler et j’expliquerai la même chose à leur patron. Après d’autres négociations forcées, j’arrive à obtenir le fait de prendre mes photos et ils m’imposent d’être accompagné pour vérifier ce que je fais. Au passage je me renseigne sur comment eux se sont retrouvé ici alors que le bâtiment est très dur d’accès et j’apprends alors la façon dont le ferraillage se fait dans les Balkans. Il existe deux types de groupes récupérant les métaux, le premier ne possède pas grand matériel, les plus chanceux ont des pinces coupantes et un véhicule (à moteur ou cheval / âne), les autres ont des lances thermiques, des pince-monseigneurs, des grues mobiles, des véhicules utilitaires, de grandes équipes. Ce qui se produit souvent c’est que les groupes n’ayant pas les mêmes moyens matériels attaquent pendant les chantiers les groupes qui sont en train de découper des morceaux inaccessibles aux autres. Afin de se prémunir de ces attaques qui d’après leur dire sont assez violentes, ils essayent du mieux qu’ils peuvent de se faire enfermer dans les lieux en sécurisant au maximum. Je comprends donc leurs inquiétudes sur le fait que seul avec un sac photo assez conséquent, mon trépied et mon repas j’arrive à entrer dans un lieu où ils se sentaient en sécurité.

Coupole de Buzludzha sous la brume

Afin de soutenir mes raisons d’être ici, je n’hésite pas à prendre le risque de montrer quelques photos présentes sur mon téléphone. Dès le moment où j’ai vu ces personnes et que j’ai compris la raison de leur présence, je savais pertinemment que je jouais gros car la valeur cumulée de mon sac photo aurait pu les contenter financièrement et je pouvais très bien face à deux personnes repartir déposséder de mon matériel. Mais cela a aussi eu pour effet de les motiver à me laisser prendre en photo ce lieu en insistant sur ce patrimoine qui, à mon avis, devrait être classé à l’Unesco au même titre que l’église de Boyana à Sofia. Finalement lorsqu’un des deux me demande si j’ai des cigarettes, je comprends qu’un petit geste financier pour leur financer ce besoin m’assurerait tranquillité de leur part, je me débarrasse donc des derniers lev bulgares en ma possession. Après tout je reprenais l’avion le lendemain et ils me seraient devenu inutiles et inéchangeables.

La prise de vue à l’auditorium du parti communiste

Débute enfin la prise de vues accompagnée de la surveillance d’un ferrailleur. Si ce dernier se montre distant au début, très vite il me questionne sur la France, Paris. Il en vient à me dessiner la tour Eiffel en faisant des traits propres sur le sol jonché de détritus, il me demande si j’ai des photos, malheureusement même si j’en ai sur mon site, je ne les avais pas sur mon téléphone. Je n’hésite donc pas à entretenir la conversation tout en prenant mes photos afin de gagner un peu de temps. En effet impossible de négocier sur le fait que je dois être parti avant que leur patron ne revienne, je fais le lien avec le pickup croisé à l’allée qui stationnait devant le monument. Je n’ai donc que moins d’une heure pour faire les photos avant que ce dernier ne revienne de sa pause-déjeuner. Malgré mon subterfuge de la discussion, je sens la nervosité gagner mon guide, il m’explique clairement que si le patron découvre qu’ils m’ont laissé sur le site ils se feront virer. Je tente de rattraper le coup en disant qu’eux comme moi sont sans autorisation en ces lieux et que l’on peut partager l’espace cela ne le rassure pas et je dois quitter les lieux. Au moment de partir, les deux hommes me raccompagnent pour voir comment je me suis débrouillé pour entrer et comment j’effectue la manœuvre inverse. J’aurais l’occasion de leur serrer la main dans une position plutôt délicate et dans laquelle les deux mains agrippées auraient été plus confortables et sécurisant pour moi, ce qui aura pour effet de les faire sourire et rigoler, moi aussi du coup.

Guerrier en mosaïque sur les fresques de Buzludzha

De retour sous la coupole devant l’entrée, il pleut à torrents, je contemple une dernière fois le monument de Buzludzha. J’ai bien du mal à quitter le bâtiment car je n’ai pu tout faire notamment la tour avec les étoiles mais finalement avec cet orage c’est peut être plus prudent. Je prends donc le chemin vers le parking en empruntant la route et non le chemin piéton pour éviter la boue. A ce moment-là, le pickup du patron revient, il ralentit fortement en me voyant me regardant avec des yeux surpris tentants de comprendre sans doute pourquoi j’étais resté aussi longtemps sous la pluie autour du monument. J’étais détrempé en arrivant à ma voiture mais avec un sourire et une sensation d’avoir passé un moment vraiment unique qui aurait pu mal tourné niveau sécurité ou ne pas me permettre l’accès si j’étais arrivé à un autre moment. En résumé une très belle exploration, jetez un œil à l’ensemble des photos du monument Buzludzha.